Dans les loges du Psymind Festival

Dans les loges, c’est une série d’interviews (écrites) avec des acteurs de l’événementiel psytrance français sur leurs débuts, leurs embûches, leurs victoires…

Si tu te lance dans l’organisation d’événements que ce soit en club ou en open air, c’est fait pour toi !

 

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Interview avec Clara, responsable de production du Psymind.

Le Triangle : Bonjour Clara, peux-tu te présenter ?

Je travaille pour Les Merry Pranksters depuis décembre 2019. Au sein de l’asso, j’occupe le poste de chargée de prod’ : je gère la billetterie, l’organisation logistique sur les événements, mais aussi la relation avec nos partenaires et prestataires (food trucks, catering, stands, association de réduction des risques, etc.).
 
Je suis également en charge du montage et de la gestion du protocole contre les Violences Sexistes et Sexuelles que nous mettons en place depuis peu (et qui, en réalité, vaut aussi pour tout autre type de discrimination…).

Le Triangle : Quand, comment et avec qui a commencé l’association ? Peux-tu nous présenter brièvement son histoire ?

L’association a commencé son activité en 2014 : c’est un regroupement de plusieurs personnes passionnées et déjà investies dans les musiques électroniques et particulièrement dans les esthétiques psytrance.
 
Ses membres initiaux sont Nicolas Mercier, initialement fondateur et directeur d’une billetterie spécialisée dans le sud de la France (Electroticket) et Didier Kokmok (fondateur de l’association psytrance Transubtil à Marseille, mais aussi artiste, label manager et booker de l’association Hadra).
 
La structure a d’abord été créée pour proposer des événements d’une telle envergure qu’il était impossible de les porter avec une seule association. Miss Tekix et Oïkia ont rapidement intégré l’association pour développer aux côtés des deux fondateurs le projet Psymind.
 
Rapidement, l’association se hisse parmi les acteur·rice·s les plus actif·ve·s de la région marseillaise en proposant plusieurs rendez-vous majeurs : la Psymind au Dock des Suds, ainsi que dans les anciennes carrières de Rognes, et l’Impact Festival au Parc Chanot, réunissant chacun respectivement 5 000, 3000 et 12 000 spectateur·rice·s.
 
A cela s’ajoute une myriade de petits événements pour mettre en lumière la scène locale et l’association a eu à cœur de développer d’autres collaborations notamment avec Exoria sur les tournées Dub to Trance et la série de soirées Synergie où dub, psytrance et hard music étaient mises à l’honneur.
 
Dans un même temps, l’équipe a toujours eu à cœur de transmettre ses compétences et ses pratiques, et à initié de nombreux ateliers MAO et DJING. Par ces ateliers, de nouveaux artistes, accompagnés par l’équipe, ont rejoint l’association, tel que Mister Nice Guy et Neutronique.Transmettre, c’est aussi promouvoir : dès 2017, l’association obtient un créneau sur une radio FM, Radio Grenouille, pour faire des mensuelles dédiées aux musiques psytrance. L’émission continue encore à ce jour.
 
Toujours dans la même lignée, l’association a décidé en 2020 de se lancer dans le booking et l’accompagnement d’artistes psytrance à travers son nouveau pôle Psymind Booking. Dernier gros tournant en date sur 2021 : la naissance du projet Sound Sisters, pour œuvrer à une meilleure inclusion des femmes et minorisées de genre dans les métiers des musiques actuelles.

Le Triangle : Quelles sont les activités et actions menées par Psymind ?

Notre cœur d’activité consiste à organiser des événements de diffusion des musiques psytrance. Nos dates principales sont Psymind et Psymind Origins (en open air), qui cumulent 8000 personnes accueillies chaque année, mais nous produisons de manière ponctuelle d’autres événements dans des plus petites salles de la région, ou en coproduction avec d’autres opérateur.rice.s culturel.le.s (Impact Festival avec Electrobotik et RAVE, Synergie avec Exoria, …).
 
Nous avons également développé Psymind Booking, notre agence d’accompagnement artistique. Notre catalogue est assez éclectique, composé à la fois d’artistes internationaux.les et de jeunes talents émergents, et représentant tous les styles de psytrance (progressive, full-on, forest, …).
 
Tous les mois, nous animons une émission sur une radio du coin, et nous discutons avec des invité.e.s divers.e.s et varié.e.s de leurs projets musicaux, de leurs événements, de leurs labels… le but étant de mettre en lumière les initiatives et les actualités de la scène psytrance locale.

Le Triangle : Combien êtes-vous aujourd’hui au sein de l’asso, avez-vous des salariés et comment se structure-t-elle (les différents pôles d’activités) ?

Nous sommes actuellement 6 personnes à travailler régulièrement au sein de l’association. Nous n’avons malheureusement aucun.e salarié.e en contrat permanent ; notre équipe se compose d’intermittent.e.s du spectacle et de prestataires, qui alternent pour la plupart avec d’autres boulots dans les musiques électroniques.
 
Dure réalité du métier… l’activité des Merry Pranksters, même si n’a jamais cessé depuis 2014 (excepté lors de la crise sanitaire), nous ne permet pas d’enclencher suffisamment de revenus pour recruter une personne salariée à temps plein.
 
Comme toutes les structures du spectacle vivant, nous sommes organisé.e.s en différents pôles, à savoir :
 
– un pôle administration (comptabilité, social et ressources humaines, subventions et relations publiques)
 
– un pôle communication (relations presse, marketing et réseaux sociaux, création de contenus et graphisme)
 
– un pôle production (logistique, relations avec les prestataires, billetterie, technique)
 
– un pôle vie associative (gestion des bénévoles)
 
– un pôle booking (accompagnement des artistes et prospection)
Une bonne articulation entre les missions de chacun.e et voilà les Merry Pranksters en action 😉

Le Triangle : Quelles sont les premières problématiques et contraintes que vous avez rencontrées lors de vos premières soirées ? Comment les avez-vous résolus ?

Une des principales a été l’évolution de l’association. D’une association amateure composée uniquement de bénévoles, nous nous sommes professionnalisés, avons eu de plus en plus d’enjeux et de travail autour de nos projets.
 
Cela a été une évolution, pas forcément voulu par tou.te.s, et cette transition vers la professionnalisation a été complexe d’un point de vue humain. Et puis nous-mêmes, nous avons appris, en nous débrouillant, à professionnaliser notre activité : ce qui n’est pas inné ! De fait, on a sûrement fait pas mal d’erreurs stratégiques que l’on apprend à rectifier 😃
 
Il y a aussi la problématique de la légitimité : défendre et promouvoir la psytrance, ce n’est pas simple. Nous devons redoubler d’efforts et de sérieux pour nous faire accepter par les lieux de diffusion, les institutions, les riverain.e.s ou encore les divers.e.s partenaires. C’est assez difficile par ailleurs de faire vivre cette musique en ville car il est extrêmement compliqué de trouver des lieux avec des fermetures tardives.
 
Un autre problème, c’est le modèle économique qui est très complexe et la méconnaissance de beaucoup sur la réalité de l’organisation. La scène et les artistes se sont aussi professionnalisé.e.s, les mesures de sécurité s’additionnent d’année en année, l’inflation est constante et pourtant il n’est pas non plus possible d’augmenter indéfiniment le prix des tickets.
 
Nos budgets sont chaque année de plus en plus intenables et nous avons souvent été la « variable d’ajustement ». Mais à être trop précaires et à travailler pour la « gloire », beaucoup de nos membres ont dû faire le choix de retourner dans un travail plus alimentaire. L’organisation d’événements est très imprévisible et les risques sont nombreux. Même si vous avez 9 événements qui marchent bien, il suffit d’un seul événement qui ne marche pas pour tout recommencer à 0.
 
On a souvent perdu gros sur des projets, et on a souvent dû reconstituer totalement notre trésorerie….

Le Triangle : Était-ce évidement de trouver et contacter vos premiers artistes, prestataires, lieux ?

Kokmok était déjà investi dans la scène psytrance depuis plus de 10 ans. Cela n’a donc pas été un problème pour les artistes. Par contre pour les lieux en effet, ce n’était pas évident, mais ça ne l’est toujours pas aujourd’hui !

Le Triangle : Comment avez-vous mené la gestion de ces premiers prestataires, artistes, bénévoles ?

Euh, du mieux qu’on pouvait ? 😃

Le Triangle : Comment avez-vous financé vos premières soirées ?

Nos premières soirées ont été financées avec nos fonds propres ! On s’est collectivement posé la question de combien on était prêt.e.s à perdre chacun.e personnellement pour se lancer dans l’aventure. Nous n’avons jamais bénéficié de subvention avant la pandémie et les aides liées au coronavirus à partir de 2020.

Triangle : Les subventions ou autres aides ont-elles été difficiles à obtenir ?

Cela peut paraître étonnant, mais nous avons sollicité nos premières subventions en 2021, en plein cœur de la crise sanitaire et lorsque notre activité était à l’arrêt.
 
Les problématiques liées à la mise en danger de la survie de notre structure ont créé un sursaut pour nous tou.te.s et nous avons enfin réalisé qu’au même titre que tout autre opérateur.rice culturel.le, nous étions légitimes pour nous faire aider par les institutions publiques.
 
Et force a été de constater que nos a-priori n’étaient pas fondés (on fait de la psytrance, les pouvoirs publics ne nous aideront jamais, la musique électronique n’est pas assez légitime, etc.) puisque nous avons reçu plusieurs aides depuis le dépôt de notre premier dossier.
 
Pour autant, l’écosystème des subventions n’est pas si facile d’accès et c’est toujours un sacré morceau de travail lorsque l’on commence à se pencher sur une demande…

Triangle : Combien de temps avez-vous mis pour ne plus avoir à financer vos événements de “votre poche” (si c’est le cas) ?

Eh bien du coup, ce n’est pas le cas…

Triangle : Quelles sont les autres sources de revenus qui vous permettent de vous financer ?

Comme la plupart des opérateurs de spectacle vivant spécialisés dans les musiques actuelles, nos recettes se basent sur un modèle économique binaire : les revenus de billetterie et les revenus du bar. Il faut imaginer que de nos jours, rentabiliser un événement en vendant des billets est impossible ; le chiffre d’affaires réalisé grâce à la vente de boissons vient compléter de manière non négligeable les résultats liés à la vente de tickets.

Triangle : Quelles sont les actions mises en place par l’asso qui représentent un grand succès pour vous ?

Nos soirées Psymind ont toujours été le fer de lance de l’association. Dès la première édition, le public a répondu présent et cela nous a conforté.e.s dans l’idée de toujours chercher à proposer une expérience visuelle et sonore de grande ampleur à Marseille.
 
Suite à deux années d’absence en raison de la crise sanitaire, nous avons longuement douté de la survie du projet et surtout, nous nous sommes questionné.e.s sur sa visibilité et son actualité : les gens seraient-ils au rendez-vous après cette période d’apathie ? Sont-iels toujours motivé.e.s par une proposition au format inchangé ?

Triangle : Quels conseils donneriez-vous à une asso qui se lance dans l’organisation d'événements ?

May the force be with you ! Ce n’est pas facile d’essayer de faire vivre ses passions, mais ça en vaut humainement la peine. Et puis qui ne tente rien n’a rien 😉

Triangle : Une anecdote amusante à nous raconter ?

En 2017, alors que l’on travaillait sur la première édition de notre format open air Psymind Origins dans les Carrières de Rognes, nous étions bien embêté.e.s car nous ne pouvions pas accueillir la jauge prévue : le site manquait d’une issue de secours et ça n’allait pas au niveau de la sécurité du public.
 
Et, à notre grande surprise, l’adjoint à la culture de la mairie de cette petite commune, qui nous soutenait de tout son cœur, a décrété qu’une annulation du projet n’était pas envisageable. Il a donc pris sa pioche et s’est rendu dans les Carrières pour creuser lui-même la dernière issue de secours nécessaire à la tenue de notre Psymind Origins… c’était surréaliste !

Triangle : Merci beaucoup Clara pour ces infos ! Très bonne continuation aux Merry Pranksters.