Dans les loges de l'Ethereal Decibel Festival

Dans les loges, c’est une série d’interviews (écrites) avec des acteurs de l’événementiel psytrance français sur leurs débuts, leurs embûches, leurs victoires…

Si tu te lance dans l’organisation d’événements que ce soit en club ou en open air, c’est fait pour toi !

 

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Interview avec Estelle, chargée de la communication chez Ethereal decibel company.

Triangle : Bonjour Estelle, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis Estelle et je vis à Rennes, en Bretagne, une belle terre de festivals ! J’ai intégré récemment l’équipe d’Ethereal Decibel l’année en 2021, après avoir collaboré de manière très positive avec eux en presse précédemment.
 
J’ai aussi cumulé plusieurs expériences dans la musique électronique (presse digitale avec couverture de nombreux festivals en France et à l’étranger, management, communication), je me dédie désormais majoritairement à Ethereal Decibel dans ce domaine, avec la création d’un projet récent : the Hark Media qui est un webzine sur la musique électronique que je développe encore petit à petit.
 
Enfin, j’aide toujours un peu une agence artistique à Rennes : Simplify sur des missions de communication.
 
La culture psytrance et sa communauté sont des sujets qui me tiennent à cœur et que je souhaite aider à promouvoir sur le long terme. Chez Ethereal Decibel, il n’y a pas de chichis. Même si les avis peuvent diverger, ça rigole beaucoup et au fond ça fourmille d’affection et l’envie de partager constamment avec bonne humeur !

 

L’organisation est tout autant à la bonne franquette que très motivée et cadrée, avec la volonté d’organiser des événements de qualité. A côté de la musique, j’ai un autre travail à temps plein dans la communication pour une entreprise éditrice de logiciels innovants.

Triangle : Quand, comment et avec qui a commencé l’association ? Peux-tu nous présenter brièvement son histoire ?

Comme indiqué, je n’ai rejoint officiellement l’association que l’année dernière. Depuis 2018, j’étais déjà pas mal en contact surtout avec Derek, le responsable communication du festival pour réaliser des articles de promotion et des interviews.
 
Étant tous très satisfaits de nos échanges, c’est en 2021 que Derek m’a un peu plus présenté à Arnaud (le directeur du festival) et m’a proposé d’intégrer l’association pour aider à la communication.

C’était à la fois un honneur et un réel bonheur, puisque j’allais pouvoir concrètement contribuer à valoriser la sphère psytrance, (qui plus est, sur le territoire où j’habite !) j’ai donc accepté avec engouement !
 
Ethereal Decibel, c’est une association loi 1901 d’abord constituée à Rennes en 2012 puis installée rapidement sur Rezé (Nantes). D’abord partie de petits événements en bars, open airs, l’équipe a pu lancer son 1er festival en 2016.

 

L’association entreprend de promouvoir la culture psytrance, notamment dans le Grand Ouest où ce mouvement est peu connu et partagé. Notre volonté étant de réunir le public tout autant autour de la musique que des arts psychédéliques et alternatifs, où humanité, convivialité, accessibilité et respect des uns et des autres sont de mise.

 

Ethereal Decibel apprécie aussi grandement de pouvoir collaborer avec ses pairs pour encore plus de folie et de plaisir, que ce soit avec Hadra, le Son Libre, ADN, Sub.Conscience, le Warehouse, Festi-Land et bien d’autres.

Triangle : Quelles sont les activités et actions menées par EDC ?

Ethereal Decibel organise des événements mettant en scène des concerts de musique électronique psychédélique. Elle est vouée à développer ses activités, mais c’est toujours en préparation. Le COVID-19 ayant ralenti certains de ces nouveaux projets.

 

Au travers de ces événements et surtout de ce festival, nous tentons de proposer différentes activités et performances qui surprennent notre public et les rassemblent autour de la simplicité, des valeurs humaines et des passions culturelles qui sont peu représentées dans les autres milieux. Comme notre partenariat avec la fête foraine menée par les Moutons électriques, du cirque, du théâtre de rue, et autres joyeusetés.

Triangle : Combien êtes-vous aujourd’hui au sein de l’asso, avez-vous des salariés et comment se structure-t-elle (les différents pôles d’activités) ?

L’association compte un peu plus de 40 adhérents, même si, associatif oblige, tout le monde n’est pas investi à la même hauteur. On ne compte que quelques salariés, et principalement sur la période du festival estival.

Le festival est autofinancé à quasi 100% par ses propres moyens d’ailleurs. Nous avons un pôle technique, financier et administratif, un pôle artistique et un pôle communication. Ces pôles sont essentiellement composés de bénévoles.

Triangle : Quelles sont les premières problématiques et contraintes que vous avez rencontrées lors de vos premières soirées ? Comment les avez-vous résolues ?

Les principales contraintes des débuts ont toujours été liées à la législation extrêmement dure en France. Les 1ers événements étant organisés sous statut de soirée privée associative, la jauge maximale était de 500 personnes.
 
Pour un open air et les frais d’organisation qui y sont liés, il est presque impossible de tenir un budget avec si peu de participants en gardant un tarif considéré comme abordable.

 

Malgré l’intérêt évident des subventions pour l’accessibilité, les structures privées non subventionnées à cause de leur esthétique musicale trop marginale doivent appliquer un tarif se rapprochant des structures financées sous peine de bien souvent se faire voir comme des structures lucratives / commerciales là où elles ne tentent en effet que de survivre et cela crée une forte inégalité.

Ensuite viennent les contraintes d’organisation, comme pour tout le monde ! Forcément, au début, l’équipe a dû apprendre sur le tas malgré les formations de certains dans le spectacle qu’ils effectuaient en parallèle. Il faut bien définir les rôles de chacun, respecter les plannings, réunir toutes les ressources et moyens qu’il faut pour l’événement (décoration, matériel technique, ressources humaines etc). Et surtout penser aux imprévus.

 

Au début plein de mauvaises surprises peuvent arriver (comme par exemple, un stock sous-évalué de fournitures), faire face à une mauvaise météo quand on organise en plein air, des problèmes techniques liés au son ou à la lumière qui interviennent durant l’événement, un espace pas assez grand pour le parking ou camping, un artiste ou du public qui tombe malade durant l’événement…
 
Il faut savoir garder son sang froid et avoir la tête sur les épaules pour ne pas communiquer de mauvaises ondes à sa propre équipe, son public ou ses partenaires.
 
Savoir se mettre à la place des autres aussi, pour savoir s’améliorer tous les jours. Être à l’écoute et ne pas compter les dépenses en temps et en énergie.

Triangle : Était-ce évidemment de trouver et contacter vos premiers artistes, prestataires, lieux ?

Oui et non. Oui car dans les premiers événements ou festivals, avec un petit budget on fait venir d’abord des artistes locaux, régionaux, nationaux. Au début aussi on pense surtout au plaisir et aux copains, donc ce sont surtout les amis qui jouent, décorent, tiennent la buvette …

 

Puis au fur et à mesure forcément, on est motivé à l’idée de proposer de grands artistes à son festival. Pour les prestataires, ça va aussi, on a une belle communauté en France et à l’étranger, et assez peu d’événements, donc les gens du milieu sont tout de suite très chauds quand on pense à eux !

 

Le milieu Psytrance est majoritairement chouette et c’est plutôt facile de collaborer, il n’y a pas beaucoup de soucis particuliers car on a très fréquemment les mêmes intérêts et exigences.
 
Pour les lieux c’est une autre paire de manches. A l’origine Ethereal Decibel organisait de petites teufs. Puis dans une démarche d’expansion et de professionnalisation et avec une volonté de continuer avec moins de risques pour son équipe et son public, cela s’est poursuivi avec des événements légaux.

 

Bien que faisant preuve d’une appréciation croissante de la musique électro par la population partout dans le monde, la psytrance est encore et très souvent regardée d’un œil méfiant. On est encore considérés comme des organisateurs de musique « marginale » et “rebelle”, mais cela évolue vraiment depuis ces dernières années. Les prestataires reconnaissant le travail de qualité qui est mené et notre sérieux.

Triangle : Comment avez-vous mené la gestion de ces premiers prestataires, artistes, bénévoles ?

Et bien, comme toute association naissante, ce sont avant tout les bénévoles âgés d’une vingtaine d’années qui ont le temps et l’envie de s’investir dans ce type de projet, sans rien attendre en retour. Notre équipe de tête ne fait pas exception à la règle et à suivi les mêmes codes.
 
Pour la gestion, chacun a dû apporter sa pierre à l’édifice. Peu de gens avaient un permis de conduire et/ou un véhicule à l’époque, certains étaient très pris par les études ou les 1ers boulots, bref, il a fallu se débrouiller et composer avec les disponibilités et le savoir-faire de chacun.

Triangle : Comment avez-vous financé vos premières soirées ?

Pour la faire courte, nous avions des soirées sans frais (artistes bénévoles uniquement, tous membres de l’association, salles sans location ou ils prenaient le bar et nous les entrées à petit prix, invitations des bars rennais à mixer où les djs refusaient les cachets et donnaient tout à l’asso, etc …) qui permettaient de financer les open-airs impossibles à rentabiliser.
 
Il nous fallait générer plus d’un tiers des budgets en amont sur des petites soirées pour pouvoir organiser les open-airs, qui elles, étaient déficitaires.

Triangle : Les subventions ou autres aides ont-elles été difficiles à obtenir ?

Subventions ? Aides ?
Malheureusement cela n’existe pas dans notre milieu, ou très peu. Hormis les aides du COVID19, nous n’avons jamais pu « rentrer dans les cases » pour nous voir attribuer des subventions.

Triangle : Combien de temps avez-vous mis pour ne plus avoir à financer vos événements de “votre poche” (si c’est le cas) ?

Du fait de notre modèle économique sur nos premiers événements, il n’y a que le format festival qui nous permet d’être à l’équilibre. Et ça, c’est quand tout va bien.
 
Seuls le festival de 2016 et certaines soirées au Warehouse de Nantes nous ont permis de retomber sur nos pattes ou de générer à peine quelques % de bénéfices sans avoir à trimer pour récupérer les pertes.

Triangle : Quelles sont les autres sources de revenus qui vous permettent de vous financer ?

Depuis quelques mois, nous avons un peu de merchandising (T-shirts) en vente, mais c’est purement anecdotique. 99.99% de nos budgets viennent des ventes de tickets pour nos événements.
 
Nous produisons également depuis longtemps les artistes de notre label sur leurs concerts et lançons prochainement le service de management / booking de EDC où nous allons accueillir des artistes extra label.
 
Nous avons aussi sorti quelques albums et EPs en CD même si pour être honnête, cela ne représente rien du tout.

Triangle : Quelles sont les actions mises en place par l’asso qui représentent un grand succès pour vous ?

Incontestablement, les événements grandioses et abordables, et l’aide à la professionnalisation des acteurs les plus investis dans l’association. Nous sommes en train de développer la branche de management artistique pour permettre aux artistes d’être accompagnés et de se professionnaliser.
 
Nous avons beaucoup d’espoir de ce point de vue là d’aider de nombreux talents à sortir de l’amateurisme et d’arriver à vivre correctement de leur art pour ceux qui le souhaitent. Mais ce n’est pas une mince affaire de réunir les heures nécessaires à valider un statut d’intermittent du spectacle.

Triangle : Quels conseils donneriez-vous à une asso qui se lance dans l’organisation d'événements ?

Soyez prudents, ambitieux mais raisonnables, ayez ÉNORMÉMENT de motivation, une équipe soudée, ne lâchez jamais rien et surtout formez vous !

 

C’est extrêmement difficile de réussir à survivre et pour peu que vous ne cochez pas les cases du « mainstream » institutionnel, aucune structure publique ne vous aidera donc vous êtes les seuls capables de transformer l’essai en réussite avec une bonne grosse pointe de chance.

Et n’hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin de conseils. Nos aînés nous ont aiguillés et soutenus moralement et juridiquement, aujourd’hui nous rendons la pareille aux petits frères et sœurs !

Triangle : Une anecdote amusante à nous raconter ?

Il y en a tellement après ces 10 années d’activisme … Si on ne devrait n’en citer qu’une, ce serait la stupéfaction des gens sur le dancefloor du festival en 2019, lorsque la maman du président de l’association de l’époque (clown de métier) s’est pointée en costume de policière sur le dancefloor en plein après-midi.

 

Il y a eu un instant de « mais qu’est ce qu’il se passe?! » assez intéressant à observer !

Triangle : Merci beaucoup Estelle, ainsi qu'à Derek et Arnaud d'avoir répondu à nos questions. Bonne continuation et à très bientôt !